jeudi 5 juillet 2012

[Livre] "Bel Ami" de Maupassant



"Bel Ami" de Maupassant
Editions : Folio Classique

En quelques mots : 1850, George Duroy est un jeune homme au physique avantageux qui n’a qu’un but, sortir de la misère qu’il a toujours connu. Arriviste et opportuniste, il va jouer de son charme auprès des femmes pour arriver au sommet… Dans une société parisienne en pleine expansion capitaliste et coloniale, George Duroy va évoluer dans un monde fait de mondanité intéressé, de combines politiques et financières, mais surtout d’intrigues amoureuses et charnelles… Avec l’aide des femmes qu’il réussira à mettre dans son lit il tentera alors d’accéder à la réussite sociale qu’il espère tant…

  • En deux mots : réussite & stratégie
  • En une question : La réussite sociale dépend elle de l’autre ou de soi ?

J’ai donc relu « Bel Ami » de Guy de Maupassant pour sa nouvelle adaptation cinématographique et il me prouve encore une fois que le livre évolue avec l’âge de lecture… Là où trop jeune (14 ans) pour apprécier les intrigues et le climat social de l’époque, je capte ici pourquoi « Bel Ami » a pu autant remuer les choses à son époque et surtout traverser les années en conservant toute sa modernité… 

Le moins que l'on puisse dire c'est que Maupassant à l'art et la manière de nous décrire son monde... Plongée directement dans un Paris des années 1850, les descriptions sont telles que connaissant bien ce quartier pour y travailler, j'ai presque eu l'impression de pouvoir croiser George Duroy au détour de la Madeleine ou de Saint-Lazarre. Bref...

Centré donc sur Geoges Duroy, jeune homme issue d’une famille pauvre, qui vient de rentrer de la guerre d’Algérie et qui tente sa chance à Paris… "Bel Ami" nous raconte l'ascension d'un jeune homme de la fin du 19ème siècle. Fait d'intrigues amoureuses et politiques qui parfois ne font qu'un, le roman sait  retenir l'attention du lecteur à coup de rebondissements amenés habillement. Le rythme est bien équilibré et les mots choisis avec tellement de soin qu’il donne même envie de retrouver le goût de la bienséance et du bien parlé d'autrefois. Pas à dire à l’époque l’art du langage peut agir telle une arme de charme ou de déshonneur… "Sacristi" c’est diablement efficace. ^^ 

L'histoire débute, un 28 juin, dans la chaleur parisienne, la misère et la faim qui entoure et tenaille Georges. Il vit dans la misère, dans une chambre délabrée et il meurt de faim quasiment chaque jour. Sa vie n’est que quête au jour le jour de trouver de quoi boire, manger et tenter de faire les connaissances qui lui permettrait d’accéder au « grand monde »… Un jour dans ses déambulations parisiennes, il va croiser Charles Forrestier, ami de régiment en Algérie qui est devenu rédacteur en chef du journal parisien « La vie française ». La chance de sa vie… 

A partir de cette rencontre Guy de Maupassant nous raconte alors le quotidien de Georges Duroy qui finira par devenir Georges du Roy de Cantel… Georges a des manières, il a le verbe facile, il sait parler aux femmes et les charmer d’un regard, d’un geste un peu osé et sûr de lui, mais surtout il sait leur dire ce qu’elles veulent entendre… Ses manières délicates et pleine de fierté, si 19eme demeure bien charmante à notre siècle d'ailleurs… De rencontres en coucheries, de trahisons en stratégies sociales, il va alors s’en presque aucun sentiment toucher du doigt ce dont il rêve : être quelqu’un, être un nom, une référence. Jusqu’à en devenir pathétique et sans cœur. Les intrigues amoureuses sont telles que George va jusqu’à se faire amis avec les maris trompés de Clothilde de Marelle et Mme Walter, son propre patron. Allant même jusqu’à proposer le mariage à la femme de son ami qu’il veille lors de sa mort…Pathétique... Son travail en tant que journaliste n'est pas tellement plus reluisant, fait d'échos et de rumeur pas toujours très honnêtes...

Les seuls moments où Georges laisse transparaître un peu de sentiments, sont les moments partagés avec la douce Clothilde de Marelle qui va le charmer dès le premier regard et réciproquement... Coup de cœur pour un passage du livre pour ce dîner chez Mme Walter où il doit retrouver Clothilde qu'il a quitté fâché… Quelle tension, quelle tendresse, on a presque le cœur qui bat plus vite avec lui… 
Petit coup de coeur également lors de ses retrouvailles avec ses parents dans la campagne de Rouen, où il va retrouver ses racines et finalement avoir beaucoup de tendresse pour ses parents et l’univers d’où il vient… 

Habillement, l’auteur nous met tranquillement face aux incohérences de Georges, il veut réussir, mais voit rarement sur le long terme. Il veut faire des mariages "aisés", mais est imprudent car infidèle. Guy de Maupassant, nous met aussi face à ces choix, à la vie parisienne et ses dessous… Et pointe aussi du doigt l'importance des femmes dans la société. 5 femmes qui vont lui permettre d’apprendre et accéder à ce dont il rêve… Mme Forrestier, femme de son ami de régiment qui deviendra son épouse, qui le fait journaliste et qui lui permet d’avoir un nom, femme libérée et dominatrice. Mme de Marelle avec qui il sera le plus lui-même, qui saura l’aimer pour ce qu’il est dès le début. Laurine de Marelle, jeune enfant, avec qui il sera tendre et qui le baptisera Bel Ami. Et enfin Mme Walter, femme de son patron qui l’aimera comme une adolescente et Suzanne Walter, fille de Mme Walter, jeune fille impétueuse et au caractère bien trempé qui sera l’apothéose de sa réussite. Chaque femme jouant alors un rôle indispensable à son ascension sociale et à ce qu'il croit être sa réussite...

Mais Bel Ami n’est pas que réussite il paye aussi sa succès par quelques humiliations : ses collègues du journal qui le nomme du nom de son ami dont il a épousé la veuve ou Madeleine qui le remet fréquemment à sa place. Rendant alors Bel Ami un peu ridicule et qui du coup par vengeance tentera même de séduire Mme Walter, carrément dans une église !... Si, si... Il est décidément sans scrupules. Se faisant ensuite froid et distant dur, une fois la femme conquise, comme un jouet qu’on ne veut plus. Un roman incroyablement moderne pour l’époque où tout n’est il encore que cycle et nature humaine ? 

Un roman donc bien construit, bien rythmé, aux enchainements bien amenés et bien menés. Mais telle la progression sociale de Georges, notre sympathie pour ce personnage décroit. Duroy finalement si arriviste n'est pas si consistant. Pas si carrièriste. Pas si malin. Pas si séduisant. Mais surtout opportuniste, sans scrupule, chanceux, un peu lâche et surtout infidèle.  On a du mal à le trouver sympathique, mais est ce le but de l'auteur?... Le seul point me faisant l'apprécier un tant soit peu étant tout l'amour que l'on devine et perçoit tout le long du roman pour Clothilde de Marelle dès le premier regard... 

Enfin pour finir, je dirais que relire "Bel Ami" au 21ème siècle donne envie d’être élégant, galant, de bien parler, de bien écrire, de prendre le temps des bons mots... Je vais donc m'arrêter là pour ne pas commettre d'impair et vous conseillez de relire ou découvrir ce roman écrit fin 19ème et qui pourtant reste très moderne dans son intrigue...


7/10 
En bref : Un roman qui nous plonge dans l’univers de Georges Duroy et de la vie parisienne du 19ème sur fond d’intrigues amoureuses et sociales. Bien construit et très bien rythmé il ne reste cependant que l’ascension pathétique d’un jeune homme qui ne sait pas aimer… 


Morceaux choisis / Citations :
« Il avait l’air de toujours défier quelqu’un, les passants, les maisons, la ville entière par chic de beau soldat tombé dans le civil »

« Mais Duroy, tout à coup, perdant son aplomb se sentit perclus de crainte, haletant. Il allait alors, ressaisi par l’espoir confus et joyeux qui hantait toujours son esprit, il jeta, à tout hasard, un baiser dans la nuit, un baiser d’amour vers l’image de la femme attendue, un baiser de désir vers la fortune convoitée. »

« Elle fut touchée, cette fois, caressée par cette phrase comme les femmes le sont par les compliments qui trouvent leur cœur et elle lui jeta un de ces regardes rapides et reconnaissants qui nous font leurs esclaves. »

« La vie est une côte. Tant qu’on monte, on regarde le sommet, et on se sent heureux ; mais, lorsqu’on arrive en haut, on aperçoit tout d’un coup la descente, et la fin, qui est la mort. Ça va lentement quand on monte, mais ça va vite quand on descend. »

« L’amertume de son cœur lui montait aux lèvres en paroles de mépris et de dégoût. »

« Il ne dit rien. Sa propre pensée sortie d’une autre bouche l’irritait »

Un livre adapté de nombreuses fois au cinéma dont le dernier en date « Bel Ami » de Declan Donnellan et Nick Ormerod.
Mon avis à venir...

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