vendredi 16 novembre 2012

[Livre] "Combien de fois je t'aime" de Serge Joncour


"Combien de fois je t'aime" de Serge Joncour
Edité chez J'ai Lu
Sortie en 2008 chez Flammarion



En quelques mots : 13 histoires qui pointent l’amour et l’analyse de manière juste et insolite. L’amour des autres, l’amour de soi, l’amour habitude, l’amour passion, l’amour maternel, l’amour inné, l’amour qui nait…


  • En deux mots : amour & degré
  • En une question : Combien d’Amour existe-t’il ?


J’ai découvert « Combien de fois je t’aime » de Serge Joncour, parce que j’ai adoré « L’idole » (mon avis ici, adapté au cinéma cette année avec « Superstar » mon avis ici) et je dois dire que j’ai tout autant aimé ce livre. Serge Joncour a décidément l’art de mettre en lumière les relations humaines et le mouvement et les habitudes d’une société. Ses forces comme ses faiblesses… « Combien de fois je t’aime » n’est pas une adaptation, mais il pourrait très bien être abordé au cinéma comme le film « Les infidèles » qui aborde lui aborde uniquement l’amour infidèle quand « Combien de fois je t’aime » aborde lui l’amour sous toutes ses formes, mais il surtout les sentiments plus ou moins intenses qu’il provoque.

Toujours un peu mélancolique, mais toujours d’une grande justesse sur les sentiments et les hommes ce sont ici 13 petites nouvelles qui prennent place. Des histoires qui bousculent, réveillent ce qui peut dormir en nous. Chaque histoire racontée en alternance soit sur un ton narratif extérieur ou personnel, on reste toutefois toujours du point de vue de l’homme.

Des histoires qui pointent l’amour à sens unique, l’amour dosé, l’amour confort, l'amour d’une mère et d’un petit garçon, une rencontre qui débute dans un amour soumit, puis prudent, pour finir dans un amour confiant et qui domine… L’amour dans l’épreuve, l’amour dans l’ivresse, l’amour qui unit deux solitudes. L’amour cabossé, l’amour compassion, l’amour solidaire d’un moment dur partagé… ou encore l’amour habitude, on s’aime parce que l’on s’est aimé. L’amour habitude, l’amour calme où l’on ne voit plus vraiment l’autre, l’amour physique, on aime pour ce qu’il représente et plus pour ce que l’autre est devenu.

On y croise aussi, l’amour d’une famille, le souvenir de l’enfance qui se mêle à l’amour usé qui fait face à l’envie d’un nouvel amour plus fort. Même si cet amour déclinant est confortable et permet par la force de l’habitude de pouvoir être soi dans les défauts que connaît déjà l’autre… L’amour d’un couple d’amant qui partage une soirée, un début de nuit, mais qui se quitte rapidement, lui pour retrouver sa femme, elle qui ne veut perturber l’enfant qu’elle a eu d’un autre. L’amour cybernetique, les rencontres sans se voir et quelques messages qui éloignent la solitude. Ou les connexions longues distances multipliées et qui mènent à rien. S’aimer de loin, mais pas trop près.

Je reste notamment songeuse sur le récit d’un célibataire qui un soir fait le tour de son répertoire téléphonique, le tour de ses rencontres et de ses liens… Mais aussi la solitude qui peut nous saisir malgré un répertoire de téléphone fourni, qui nous renvoi à la solitude ou au manque d’amour que cela réveille… Parce que Serge Joncour au-delà de faire le tour de l’amour, fait aussi le tour de son revers. Serge Joncour nous replonge dans les amours que l’on a vécu, que l’on connaît, que l’on attend… On a nous aussi envie de faire défiler notre répertoire téléphonique comme on feuillète un album photo.

Des histoires plus ou moins fortes qui parlent à nos expériences, à nos analyses, à nos rencontres.  Il évoque subtilement la famille, les amis, les rencontres d'un soir, d'une vie... Mais aussi les habitudes du quotidien et les nouveaux comportements liés au virtuel...

Un livre ponctué de moments très forts, qui peuvent résonner en nous pour différentes raisons, pour des souvenirs personnels ou des histoires racontés ou l’appréhension que cela arrive un jour… Toujours finement et subtilement amené, on arrive à être touché et compatissant pour une histoire qui ne l’est pas vraiment. Je pense notamment à cet homme qui discutant avec son beau-père perçoit dans poche un texto qui vibre entre les deux hommes, signe d’une autre vie. Ou encore au rencontre que l’on peut faire qui va parler à tout ceux qui prennent beaucoup le train…

Serge Joncour à travers ses 13 histoires fait le point sur la vie, l’amour, les habitudes et les rencontres. Il aborde avec beaucoup de justesse des clichés sans jamais les vulgariser ou les dénigrer. Fort…
Et puis un livre qui se termine positivement sur ses rencontres qui peuvent changer la vie…

Et puis ce livre, c’est aussi apprendre. C’est ici pour moi la découverte de ces petits détails que j’aime découvrir au fil de mes lectures ou des films que je peux voir. Ici dans une nouvelle qui nous raconte l’histoire de deux hommes à l’hôpital qui se rapproche dans la maladie, l’un des deux occupants de la chambre revient voir celui qui est plongé dans le coma alors que lui est sorti de cette chambre et de cet hôpital… Je découvre donc ici le terme Mangi dem : « Aurevoir, ou je m’en vais. « Alors, à toi de voir le sens que tu y mets. Mangi dem »

8/10
En bref : Serge Joncour pointe et analyse comme personne l’amour et les liens qui donnent aux gens qui le donne ou le reçoit. Un livre qui nous rappelle que l’amour prend différente forme avec plus ou moins d’intensité… Autant d’histoires que de rencontres… Autant de pages que de témoins… Un récit dur, sensible et sincère…


Morceaux choisis / Citation : 

« A cet âge là, je n’arrivais pas à mettre des mots, et pourtant ses regards qu’elle perdait disaient tout ; pour elle, j’étais un peu de cet homme qu’elle avait aimé, et en même temps j’étais la cause que l’en avait détourné. »

 « Chaque fois que j’avançais vers elle, dans ses yeux je lisais bien moins l’envie de céder que la peur du vide. » 

« Dès la lettre A, j’en vois qui n’appellent pas, des numéros sans présence. » 

« (…)j’y suis attaché à mes numéros, je les garde comme des souvenirs à revisiter. » 

« Chacun recèle son fragment d’infini, chacun flotte dans sa dimension de temps dégagé, c’est l’heure d’expier son sort ou de pimenter son destin, de contourner les règles et de se confondre aux trainards qui traînent aussi tard que soi, des solitudes éparpillées. » 

« …à croire que s’aimer c’est ne plus s’écrire. » 

« Quelle misère que d’être tombé si bas dans le silence de l’autre, suspendu à rien. » 

« La peur de perdre l’autre, elle n’est jamais aussi forte que quand on ne le possède pas vraiment. » 

« Il y a dans leur ivresse toutes les promesses d’une vie qui ne les a pas tenues, il y a dans l’insouciance du moment toute la frustration de ces heures de bar passées à attendre, alors tout le reste, à côté de ça, ça n’existe pas. » 

« Le soir, chez soi, chacun importe son petit exotisme, sa manière d’être ailleurs, il y a ceux qui boivent, ceux qui ne pensent pas, il y a ceux qui regardent des films sur le petit écran, et les autres, barrés plus audacieusement dans des livres, des jeux vidéo, le soir le monde est un vaste hall d’attente, on est tous là, les uns pas si loin des autres, pas trop proches pourtant, chacun dans ses murs. » 

« Vivre seul c’est inquiéter personne » 

« Tu ne disais rien, mais tu m’en voulais, c’est sûr, tu m’en voulais d’endommager sans fin le tableau de l’homme encore jeune, pas trop mal fait, que tu t’étais mise un jour à aimer. » 

« Et on s’est endormi tous les deux, en se tenant au dessus du vide, en rêvant à ces souvenirs qui nous attendaient. Demain on sera jeune, tu verras. » 

« (…) replonger de plain pied dans son quotidien, retrouver les marques de sa petite vie intacte, remettre les pas dans ces parcours mille fois foulés, faute de mieux il n’y a plus que ça qui compte (…) » 

« Pourtant je suis seul dans le carré des sièges, mais à contre-courant, depuis le début je rentre à reculons, d’un coup cette idée-là me met mal à l’aise, cette impression d’avancer de dos. » 

« rencontrer quelqu’un sur le chemin du retour c’est réinventer ce futur qui vous attend, c’est le plus beau cadeau qu’un cafard puisse vous faire. » 

« Quelles incroyables mains. En deux secondes elles m’ont tout dit de la chance qu’il y a être rentré. »

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