Chez JC Lattès
En quelques mots : Jocelyne tient une
mercerie, elle est mariée à Jocelyn avec qui elle a eu deux enfants qui sont
maintenant adultes. Jocelyne a une vie simple, elle se contente de ce qu’elle a
et le vit plutôt bien. Elle a eu comme tout le monde son lot de bonheur et de
malheur. Un jour par défi envers les deux jumelles qui tiennent le magasin de
fleurs à côté du sien, elle va jouer au loto. Elle va gagner…
- En deux mots : choix & envies
- En une question : qu’est ce
qui différencie le besoin de l’envie ?
SPOILER MINIMUM
« La liste de mes envies » de Grégoire Delacourt est un de ces livres
que l’on découvre par le bouche à oreille, qui prend peu à peu tellement
d’ampleur que l’on ne peut que le connaître avant même de le lire. Mais c’est
aussi bizarrement ce même livre dont on repousse la lecture en se disant je
sais que je le lirai, j’ai le temps. Et puis l’annonce de son adaptation a
vraiment fini de me convaincre. J’ai donc acheté « La liste de mes
envies » au Salon du Livre 2013 et j’ai pu échanger quelques mots
avec son auteur et surtout aborder avec lui cette future adaptation, heureux qu’il était de m’apprendre
que le tournage commencerait le 15 avril suivant (le salon a lieu en mars).
Mais ce n’est pas le propos ici… Encore une fois, vrai fil rouge de mes
lectures actuelles, « La liste de mes envies » est un livre qui nous
pousse à la réflexion et surtout aux moments clés de la vie et des choix que
l’on peut faire.
Grégoire
Delacourt nous raconte l’histoire de Jocelyne, la quarantaine, qui est mariée depuis des années avec Jocelyn, non comme elle le dit "ca ne s'invente pas". Un peu ronde, elle n'est pas malheureuse, mais elle n'est pas très heureuse non plus. Elle prend la vie comme elle
vient, elle accepte tout, sans jamais vraiment décider ce qui va lui arriver,
jusqu’au jour où, par un petit défi, elle va accepter de jouer au loto avec ses
amies : les jumelles qui tiennent le magasin de fleurs, à côté de sa
mercerie.
Et alors que pour la première de sa vie où elle prend une petite décision, de prime abord plutôt anodine, elle va alors devoir faire un choix encore plus essentiel. Mais aussi réaliser que ce premier choix en entraine beaucoup d'autres et de très importants... Elle fait alors la liste de ses besoins et de ses envies...
Au départ dans les pensées de Jocelyne, on découvre également les pensées de Jocelyn... Rare son les romans où l'on peut avoir le côté pile et le côté face, Grégoire Delacourt nous fait ce cadeau là. Délicat et sensible... L’un et l’autre ensemble en équilibre. Chacun étant le repère de l'autre…
"La liste de ses envies" est un roman que l'on lit très vite, un roman où l'on écoute Jocelyne, où l'on sourit, où l'on est ému, où l'on peut être aussi écoeurée, triste et impuissante... C'est un roman qui nous pousse à nous demander ce que l'on ferait à la place de Jocelyne mais aussi en définitive à une seule et vraie question : quelle serait NOTRE liste... Notre petite liste personnelle, juste au cas où ? Même si il y a une chance sur des millions…
Et puis, "La liste de mes envies" m'a beaucoup touché par des petits détails. Je suis profondément touchée par la relation de Jocelyne et ses enfants et encore plus par celle qu'elle entretien avec sa fille, pleine de silence et de non-dit qui éclate au fil d'une vidéo... Cette phrase m'a fait poser mon livre quelques minutes : " j’ai écrit le Bolero de Ravel en images maman, pour que les sourds puissent l’entendre. "
Tout comme celle-ci, qu'elle a noté dans son journal :
« J’aimerais avoir la chance de décider de ma vie, je crois que c’est le plus grand cadeau que puisse nous être fait. »
De mots touchants en réflexions anodines mais profondes - il est d'ailleurs étonnant de noter à quel point Grégoire Delacourt semble comprendre les femmes - on partage très vite les émotions de Jocelyne, on est peiné pour elle puis on a envie de la secouer... Et puis on réalise "et si c'est elle qui avait raison?"...On comprend au fil des pages que chaque choix entraine des conséquences, bonnes ou moins bonnes... Mais est ce que cela n'aurait pas été pire sans eux.... La vie n'est faite que de choix... Alors vivons !!
Petite anecdote de lecture, j’ai lu la liste de mes envies, en pleine sortie cinéma de « Belle du Seigneur » et quelle surprise de voir page 60. L’auteur évoquer ce livre et me spoiler la fin… Je dirais donc rien, mais je dirais juste que c’est extrêmement bien dit. « Belle du seigneur » est d’ailleurs un des fils clin d’œil sympathique du roman... Elle idéalise cet amour et lui le lit pour se rapprocher d’elle. Subtil et délicat à nouveau !
Un
livre délicat donc et plein d’amour même dans ses souffrances. On aime profondément
Jocelyne. On pleure avec elle les souvenirs abimés. On sourit de ses pensées
et de ses associations d’idées. On espère et comprend en même temps qu’elle. On
termine le sourire aux lèvres en se disant j’irais bien faire un tour à la
mercerie ou en tout cas je lui enverrai bien un mail pour prendre de ses
nouvelles. Est-ce que l’adresse jo@dixdoigtsdor.com
fonctionne ?
En bref : Un livre délicat et sensible où l'on a très vite envie de devenir l'ami(e) de Jocelyne. Un livre qui nous rappelle que nos choix, même les plus anodins sont bien des choix et que c'est bien cela le plus important. Et surtout qu’il faut finalement vivre l’instant présent et juste peut-être savoir apprécier ce que l’on a...
Morceaux choisis / Citations :
« Il rêve d’un écran plat à la place de notre vieux poste Radiola. D’une Porsche Cayenne. D’une cheminée dans le salon. De la collection complète des James Bond en DVD. D’un chronographe Seiko. Et d’une femme plus belle et plus jeune que moi ; mais ça il ne le dit pas. »
« Nous avons deux enfants. Trois en fait. Un garçon, une fille et un cadavre. »
« Il y avait une chance sur des millions pour que j’épouse Jocelyn et il a fallu que ça tombe sur moi. Jocelyn et Jocelyne. Martin et Martine. Louis et Louise. Laurent et Laurence. Raphaël et Raphaëlle. Paul et Paule. Michel et Michèle. Un chance sur des millions. Et c’est tombé sur moi. »
« Quand son père lui a demandé ce qu’elle faisait, elle a sorti une petite caméra de son sac et l’a branchée sur le Radiola. Nadine n’aime pas les mots. Elle parle très peu depuis qu’elle parle. Elle ne m’a jamais dit maman j’ai faim, par exemple. Elle se levait et prenait alors quelque chose à manger. »
« Elle gardait les mots en elle, comme s’ils étaient rares. Nous conjuguions le silence elle et moi : regards, gestes, soupires en lieu et place de sujets, verbes, compléments. »
« Moi, les mots, j’aime bien. J’aime bien les phrases longues, les soupirs qui s’éternisent. J’aime bien quand les mots cachent parfois ce qu’ils disent d’une manière nouvelle. Quand j’étais petite, je tenais un journal. Je l’ai arrêté le jour de la mort de maman. En tombant, elle a aussi fait tomber mon stylo et se fracasser plein de choses. »
« Ce n’est pas la vie dont rêvaient mes mots dans le journal du temps où maman était vivante. Ma vie n’a pas la grâce parfaite qu’elle me souhaitait le soir, lorsqu’elle venait s’asseoir à côté de moi, sur le lit ; lorsqu’elle caressait doucement mes cheveux en murmurant : tu as du talent, Jo, tu es intelligente, tu auras une jolie vie. Même les mamans mentent. Parce qu’elles aussi, elles ont peur. »
« Il n’y a que dans les livres que l’on peut changer de vie. Que l’on peut tout effacer d’un mot. Faire disparaître le poids des choses. Gommer les vilenies et au bout d’une phrase, se retrouver soudain au bout du monde. »
« Chaque semaine, pour dix euros de mise, elles font des rêves à vingt millions. »
« J’ai souri en redécouvrant mon écriture d’adolescente. Les points sur les i étaient des rondes, les a en caractères d’imprimerie et sur les i d’un certain Philippe de Gourverne, les points étaient des cœurs minuscules. »
« Depuis son accident, il est dans le présent. Il n’a plus de passé, pas de futur. Il est dans un présent qui dure six minutes et toutes les six minutes, le compteur de sa mémoire retombe à zéro. »
« C’est court, six putains de minutes »
« C’est un baiser qui dure, un baiser qui dit tout ; mes manques, ses désirs, mes souffrances, ses impatiences. Notre baiser est mon ravissement ; ma vengeance ; il est tous ceux que je n’ai pas eus, celui de Fabien Derôme du CM2, celui de mon timide cavalier de « l’été indien », celui de Philippe de Gouverne que je n’ai jamais osé aborder, ceux de Solal, du prince charmant, de Johnny Depp et de Kevin Costner d’avant les implants, tous les baisers dont rêvent les filles ; ceux d’avant ceux de Jocelyn Guerbette. »
« Rentrer avec toutes les choses de la liste, détruire la liste et se dire ça y est, je n’ai plus de besoins. Je n’ai plus que des envie désormais. Que des envies.
Mais ça n’arrive jamais.
Parce que nos besoins sont nos petits rêves quotidiens. Ce sont nos petits choses à aire qui nous projettent à demain, à après-demain, dans le futur ; ces petits riens qu’on achètera la semaine prochaine et qui permettent de penser que la semaine prochaine, on sera encore vivant. »
« Réaliser le rêve des autres, c’était prendre le risque de les détruire. »
« Il avait déchiré les listes de mes besoins, de mes envies et de mes folies. »
« Il avait griffé, rayé mes souvenirs de nous. »
« Je n’ai pas répondu à la lettre de mon meurtrier »
"La liste de mes envies" est adapté au cinéma par Didier Le Pêcheur.
Avec Mathilde Seigner, Marc Lavoine, Patrick Chesnais, Virginie Hocq, Frédérique Bel, Julien Boisselier...
Le film est annoncé pour 2014.
La page facebook du film
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