mardi 1 avril 2014

[Livre] "Les Brumes de l'apparence" de Frédérique Deghelt


"Les brumes de l'apparence" de Frédérique Deghelt
Chez Actes Sud

En quelques mots : Quand un notaire de province lui annonce qu'elle hérite d'une masure au milieu de nulle part, Gabrielle, la parisienne n'a qu'une idée, la vendre au plus vite. Femme dynamique sûre d'elle, équilibrée malgré une enfance bousculée par une mère fantasque accro au jeu d'argent Gabrielle va voir, de jour en jour, ces certitudes bousculées. Et si le destin venait de frapper à sa porte?

  • En deux mots : apparence & destin 
  • En une question : est ce que le hasard existe ?

SPOILER MINIMUM

Ce n'est un secret pour personne, j'aime vraiment beaucoup les livres de Frédérique Deghelt et 2014 m'amène pour mon plus grand bonheur de lectrice rien moins que 3 nouveaux livres...

"Les brumes de l'apparence" est un livre que j'ai aimé au fil même de son écriture. Car Frédérique Deghelt lorsqu'elle écrit donne sur les réseaux sociaux ses impressions d'écritures et quelques anecdotes d'auteure. Mais je l'ai encore plus aimé lorsque j'ai vu la couverture...
On imagine le visage de cette femme de dos entouré de papillons. Que fait-elle? je suis sûre qu'elle sourit...
On regarde ensuite de plus près le titre, on le décompose, on se demande comment on peut lier les deux, mais avec Frédérique Deghelt je sais déjà qu'il se veut subtil et plein de sens ou le sera en fin de lecture... Évident ou un peu moins...

Comme pour chacun de ses précédents livres, "Les brumes de l'apparence" est un livre qui ne peut pas laisser indifférent... Pour le peu que l'on ouvre et lise ses pages un jour. C'est un livre qui prend sens à presque chaque chapitre, voir chaque page, on chemine avec l'héroïne Gabrielle, qui est, au départ, aussi sceptique que nous sur les hasards ou les petits signes que certains prennent pour le destin. Sauf que moi j'y crois et du coup voir le côté sceptique m'a passionné !

Gabrielle c'est une jeune femme de 40 ans, mariée depuis des années à un chirurgien esthétique père de son fils unique. Indépendante et volontaire elle dirige une agence d'événement à Paris. Terre à terre, logique et organisé elle apprend qu'elle vient d'hériter d'un terrain à Fermet-le-bois que l'on appelle la forêt des Brumes ou la terre des Sorciers... Tout un programme... Un village perdu en plein Centre France où elle va rencontrer Jean-Pierre Moulin, agent immobilier en charge de la revente de son terrain qu'elle n'a même pas encore vu mais dont elle sait qu'elle ne veut rien. La relation de Gabrielle et Jean-Pierre est d'ailleurs un petit régal plein d'humour ! Au delà de cet héritage et de cette rencontre, Gabrielle va vite se rendre compte ce bout de terrain, ce bout de ce passé qui lui tombe dessus va la changer profondément et irrémédiablement... Car Gabrielle découvre qu'elle fait partie d'une famille de sorcier, de medium, de coupeurs de feu...

Toujours dans l'explication et mettant en avant des exemples concrets qui parlent à tous, Frédérique Deghelt nous poussent sans cesse à réfléchir, à nous poser des questions. A nous faire nos propres opinions,  jusqu'au moment où les "preuves" sont trop flagrantes et trop nombreuses. Comment ne pas y croire?

C'est un univers, un vrai langage, un vrai débat que nous propose Frédérique Deghelt au travers de son personnage féminin. Et puis c'est aussi aborder la filiation, l'héritage contre lequel on ne peut rien. La génétique et le passé de nos aïeuls et ancêtres... Et puis c'est aussi l'histoire de femmes. Encore une fois ici, les relations mères/filles sur une ou deux générations sont présentes et c'est si bon, même si l'histoire de Gabrielle n'est pas banale. Quoi que...

Je veux en dévoiler le moins possible pour garder la saveur de la découverte... La même que Gabrielle... Mais juste dire que comme toujours, c'est passionnant, foisonnants, ouvert sur le monde, sur les gens et les sentiments et cela au delà des apparences...

Car lire ce livre c'est ensuite se souvenir que parfois les apparences sont trompeuses que les apparences peut-être cachent autre chose... Que parfois les choses ne se voient pas mais se devinent, se ressentent. Une fois que Gabrielle s'ouvre au monde de l'inconnu et qu'elle cherche, elle va trouver bien plus que les réponses à ses questions sur un passé qui l'a rattrape. Sur des souvenirs qu'elle redécouvre sous un autre angle. Et puis elle va elle aussi se découvrir elle-même sous un autre angle...

Comme dans nombreux de ses romans, je crois presque tous, l'auteure nous prouvent que les situations extrêmes révèlent plus que jamais les gens et leurs sentiments. Et surtout les liens qui nous relient à eux...
J'ai adoré les rencontres de Gabrielle et toutes ses premières fois... J'ai adoré une séquence dans le métro, j'ai adoré l'humour glissé ici et là et le sens de la formule qu'a souvent Frédérique Deghelt. Les mots sont comme toujours choisi avec beaucoup de soin. Et puis elle imagine même un agent immobilier qui aurait les traits de George Clooney (page 18) forcément j'aime bien !  Et puis elle a toujours des réflexions sur la vie qui me tire des sourires et des "mais oui !" Quelques exemples?

page 317
"Ne dit-on pas "entre chien et loup", entre ce qui est apprivoisé, fidèle, et la bête sauvage qui hurle à la mort?"
page 293
"Et tout ça commence dès l'enfance : on valorise le costume du méchant dont personne n'aurait voulu il y a quelques années. Il n'était même pas en vente. La vilaine sorcière de Blanche Neige ou Dark Vador n'auraient eu aucun succès dans les rayons. Être le méchant prépare en douce l'avenir du futur adulte à ne pas combattre une désespoir obscur qu'il a adopté depuis l'enfance. Amusez-vous en douce à regarder "Quai des brumes ou Les enfants du Paradis avec quelques adolescents : les déclarations d'amour sont jugées obsolètes."

page 326
"Etrange de voir que ce mot, "être humain", définit en deux parties ce que nous ne voulons voir qu'en une seule. Humain, un corps, une présence physique incarnée, et être, qui serait l'âme, l'identité de ce corps qui a fini par se laisser absorber par l'enveloppe et son cerveau, d'où émane la pensée."

Et puis une référence au Livre tibétain est venu me surprendre et me toucher comme j'aime...

Lire "Les brumes de l'apparence", c'est donc  aussi lire des réflexions géniales et adorables sur le langage et le choix des mots. Et puis même si le sujet est obscures, Frédérique Deghelt utilise toujours un discours accessible à tous. Souvent quand mes interrogations se font les plus fortes, elle y répond quelques pages plus loin... Des exemples et des arguments très concrets qui parlent à tous. Jusqu'à comparer l'au-delà à internet... Si, si, lisez vous comprendrez :) Et vous comprendrez que la question est souvent plus importante que la réponse. Comme me l'a très justement souligné l'auteure un jour d'échange.

Et puis pour mon plus grand plaisir, à la fin du livre se trouve les musiques pour accompagner la lecture, comme elles ont accompagnées l'écriture. Et cette fois j'ai joué le jeu et chargées les musiques sur mon ipod... Et je dois dire que c'est encore plus troublant...

Lisez "les brumes de l'apparence" car elles pourront peut-être éloigner les vôtres...

En bref : Un livre étonnant où l'on accompagne Gabrielle dans ses doutes, ses réflexions et ces certitudes. A l'écoute de ce qui l'entoure elle se révèle alors être une autre. Mais et si ce n'était que les brumes qui se dissipaient?...

Morceaux choisis / Citations : 


"les esprits sont comme les parachutes, ils ne fonctionnent que lorsqu'ils sont ouverts." Lord Thomas Dewar
"Peut-être qu'il est impossible d'oublier ce qu'on a vu quand on ouvre une porte sur l'inconnu et qu'on comprend que de l'autre côté il se passe quelque chose d'immense."

" - Les paroles ne sont pas des preuves ; ma chérie, il faut éprouver pour comprendre.On ne peut expliquer à l'aveugle ce qu'est une couleur."


"J'ai mis du temps à réaliser qu'un garçon manqué n'était en réalité qu'une fille réussie !"

"On ne peut sans doute pas tout avoir : des communications avec l'au-delà et un réseau pour le portable !" 

" Une chose dont on ne parle pas n'a jamais existé, c'est l'expression seule qui confère la réalité aux choses. Oscar Wilde"

"- Par une sorte de prétention dont l'origine est impossible à retrouver, nous sommes partis sur une route où ce qui n'est pas explicable est indigne d'être cru. Nous avons lié comprendre et croire, savoir et choisir, expliquer et agir."

" Ils seront sur ta route car, invariablement, dès que le besoin s'en fait sentir, on les rencontre sans les avoir convoqués."

"Cet homme me répare comme le mien m'a soudainement cassée."

"Intolérable intolérance qui me blesse et fait déborder le vase."

"De l'affriolante femme sexy à la mégère, il n'y a qu'un pas : le faux."

"Misère des transports en commun où nous n'avons justement rien de commun si ce n'est un lieu où rien ne nous transporte. Cette intimité de l'indifférence m'exaspère."


"Et il y aura un moment où, quoi que vous fassiez, vos actes crieront si fort qu'on n'entendra plus ce que vous dites. Car vos actes sont empreints de vos pensées les plus profondes, et ce sont eux qui en suscitent d'autres chez les humains qui vous entourent, et non ce que vous leur racontez."

" On peut tout entendre d'une amie, si ce n'est le silence de la désertion..." 

"Quand des Occidentaux observent un tableau, ils décrivent le personnage central, mais quand des Orientaux prennent le relais, ils parlent du contexte tout autour."


"Il existe un sourire réservé à ceux qui savent." 

UPDATE 21 Janvier 2015

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