vendredi 15 juin 2012

[Livre] "Cèdre & Baobab" de Mehdi Omaïs



"Cèdre et Baobab" de Mehdi Omaïs
Editions : Pascal Galodé Editions


En quelques mots : Anna, franco sénégalaise de 43 ans, est solitaire, ne vit que pour son travail de responsable RH et porte en elle un lourd secret marqué le poids de la culpabilité. Walid, 33 ans, est libanais, adopté par un couple de français dans son enfance, il vit en banlieue parisienne, travaille par choix et par tranquillité dans les catacombes. Mais Walid est comme déraciné et porte en lui un manque sans pouvoir précisément dire lequel. Un jour Anna se fait attaquer au volant de sa voiture et Walid va se porter à son secours… Un instant qui fera basculer leurs 2 vies…

  • En deux mots : racine & rencontre
  • En une question : Tout vient à point à qui sait attendre ou faut-il savoir provoquer son destin ?

« Cèdre et Baobab » de Mehdi Omaïs est le 4ème roman de cet auteur que j’ai découvert via « Le livre perdu » (mon billet ici) et « La mort est belle » (mon billet ici). C'est à nouveau un bonheur de livre. Un superbe couverture, un histoire pleine de rebondissements et des mots qui sonnent et résonnent en nous par leur justesse.

283 pages on l'on retrouve donc avec plaisir le style dynamique et moderne de Mehdi Omaïs et les éléments qui pour moi forment son style.

Véritable touche de l’auteur, Mehdi Omaïs évoque comme dans ses précédents romans, une histoire parsemé de référence cinéphile (Thelma et Louise, La balade sauvage, Midnight Express) et références musicales (Percy Sledge Arthur, Jospeh, Frédérick Goldman & Jones, les pixies, John Hiatt, Ludovico Einandi...). D’ailleurs un petit conseil n’hésitez pas à en googler quelques uns, ce sont de vraies petites pépites si vous ne connaissez pas.

Mais il évoque également les deux pays qui lui son cher, le Sénégal et le Liban. A coup de description pleines de sensations et d’émotions, il nous dépeint habilement des pays que l’on pourrait presque toucher du doigt, ou reconnaître si un jour nos pas nous mène là-bas.

Des métaphores pleine de sens, mais surtout des personnages touchants et attachants, qui se révèlent de pages en pages. Gardant toujours un peu de surprise…

Un livre qui nous rappelle les surprises que peut nous réserver la vie, comme Walid qui en sortant du travail après une journée difficile se retrouve dans un rue qu’il ne connaît pas, et Anna qui ne prend jamais sa voiture et qui ce jour là, alors qu'elle vient de ramener sa meilleure amie à la gare se fait agresser précisément dans la rue où passe Walid… Pourquoi eux ? pourquoi ce jour là ? pourquoi cette rue ? Peu importe, seule la rencontre compte. Et surtout tout ce qu’elle impliquera…

L'importance des rencontres et aussi un trait commun aux romans de cet auteur, mais toujours différentes, toujours insolites et originales. Ici ce sont, des solitudes qui se rencontrent et qui malgré ce point commun ne sont pas complémentaires. Tout deux marqués par de lourd secret, sans famille et déracinés… L’effet papillon de nos actes qui vont alors les porter vers leurs destins.

Un livre plein de surprise et de rebondissement aussi inattendu que beau… Dans ce roman, l'attente  du lecteur est plus dense, plus intense, les étapes et les surprises sont plus inattendues que ces précédents romans. Ne prenant jamais le chemin la facilité du cliché et de la facilité. Un rythme plaisant et judicieux avec des rappels et des métaphores simples et bienvenues.

Toujours dans un style résolument moderne, il évoque les transports en commun, parsemé désormais d’écouteur et de téléphone, chacun encore plus isolé volontaire. Chacun dans son univers. Il évoque également habilement réseaux sociaux, Star Academy, Grey Anatomy. Mais sème ici et là, des phrases merveilleuses qui alternent vérité, métaphores et mots compliqués. J’ai découvert les mots "tintinnabule", "sycophante", "argus", "atrabilaire", "priapique"... qu'il sème ici et là sans jamais devenir lourd ou pompeux, juste des petites touches qui nous rappelle la beauté des mots et le compliqué du langage et des mots oubliés...


Toujours dans la petite touche de l'auteur, le thème du père absent est aussi de retour. Anna qui l’a perdu tragiquement et lui qui n’a jamais connu son géniteur et qui a été déçu par son père adoptif… La mère ne l’est pas tellement plus, même si la mère adoptive est très touchante dans sa tendresse pour Walid et sa volonté de respecter ses choix. Le thème de l’écriture est aussi là avec la mère adoptive de Walid qui écrit des nouvelles. Avec une petite touche de destiné avec la femme de l’ancien directeur de l’orphelinat qui va lui faire une simple petite prédiction : « Ta mère vole, elle caresse le ciel »…

Un livre qui nous rappelle de ne jamais douter, de ne jamais perdre espoir et que le bonheur peut arriver à tout moment. Mais aussi le bonheur des relations vraies, franches et sincères.


Un livre qui se termine sur une frustration légère mais agréable qui pique la curiosité mais ne lèse pas trop et laisse finalement ouvert l’imagination. Qui s’ouvre sur demain… Une vie…

Envie de dire ce que j’ai aimé, d’en dire plus, mais ce fut un tel plaisir à lire et à découvrir que je ne le ferai pas. Mais décidément Mehdi Omaïs maitrise parfaitement l’art de la description, de l’inattendu dans un rythme équilibré et prenant. Le titre du roman prenant complètement sens en tournant la dernière page de ce moment passé avec Walid et Anna...


9/10
En bref : Subtil, inattendu et plein de charme « Cèdre et Baobab » se lit à tout vitesse, complètement prit dans l’histoire de ces deux êtres qui vont grâce à leur rencontre donner une nouvelle impulsion à leurs vies. Un rythme dynamique, une plume légère et belle avec de multiples métaphores pleine de sens. On ne veut quitter Anna et Walid, on aimerait que 3  petits points aillent plus loin…


Morceaux choisis / Citations :

 «Ses yeux quittent les paysages sombres du dehors et déshabillent ses semblables agglutinés, bloqués, emboités les uns dans les autres, dessinant un puzzle social exsangue.»

«Chacun est plongé dans son univers, dans son refuge musical.»

«Il réprouve avec fermeté ce réflexe permanent consistant à tout multiplier pour mieux exister. A l’instar de ces réseaux sociaux sur la toile dans lesquels les amitiés se forment aussi rapidement que les bactéries dans l’air ambiant.»

«… pour que la cloche des souvenirs tintabule dans la brume de son regard.»

«Marcel Pagnol a dit un jour : « tout le monde savait que c’était impossible. Un imbécile est venu qui ne le savait pas. Et il l’a fait. » »

«Au loin, quelques coups de klaxon proviennent de l’avenue Voltaire. Au loin, quelques cris de jeunes éméchés. Au loin, un paquet d’illusions perdues.»

«Je t’attends inconditionnellement.»

«En route vers le bureau, les visages lui viennent à l’esprit, pareils à des bandes annonces de films dans lesquels elle aurait joué.»

«Un de ces instants fortifiants où toute souffrance, tout manque se délitent comme un sucre dans un café chaud.»

«Les internes regagnent les urgences et dépeuplent l’ombre de l’arbre.»

«Un peu plus loin sur sa droite, trône un l’arbre centrale de la cour, toujours fidèle à lui-même, seul rescapé d’une époque destituées de ses charges. Orphelin de ses orphelins.»

«…m’a rattrapée quand la tristesse a bousculé mon corps.»

«que ce qui importe est désormais devant lui, accroché à l’avenir.»

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