traduction française : Anne Wicke Barbaste
Editions: Points / Albin Michel
En quelques mots : Ali, Eddie, Jay, Ben, Graham, Sam, Roberto, Jess et Herbert sont 8 personnages malmenés par la vie. Chacun à leur façon font face à leur destin et à leur réalité.
- en 2 mots : sentiments & parcours
- en 1 question : Est-ce que ce qui est cassé peut-être réparé ?
Articulé autour de 8 nouvelles Craig Davidson nous laisse un goût de rouille et d’os en bouche, un goût de malaise. Basé sur 8 histoires dures et profondément ancrées dans la réalité il sait par des mots simples nous installer immédiatement dans le récit en cours. Des histoires qui m’ont parfois menée au bord de la nausée (« Un usage cruel ») et qui touchent la corde sensible des sentiments humains… Désespoir, pitié, compassion, dégoût mais l’espoir qui pointe toujours le bout de son nez malgré tout et qui s’immisce malgré nous et nous pousse à avancer.
« Le goût de rouille et d’os » nous narre l’histoire d’Ali, un boxeur qui se bat depuis son plus jeune âge parce que son père, après une bagarre à l’école, l’a emmené dans un club de boxe. Il n’aura alors de cesse de se battre. Mais de se battre aussi contre lui-même. Il revient sur les émotions et les sensations d’un combat. Mais aussi sur son propre combat. Une atmosphère lourde et pourtant facile à lire. Dès les premières pages on sent un secret, une torpeur. Il se souvient…
« Un bon tireur » partage avec nous un moment de la vie d’Eddie, ancien boxeur alcoolique qui souhaite faire de son fils, Jason, un basketteur professionnel. Conscient de sa vie ratée, il fonde tous ses espoirs sur son fils.
« Un usage cruel » fait le point sur un couple stérile. Jay est publicitaire, Allison est infirmière au bloc et à défaut d’enfants, pour le moment, ils élèvent des chiens. Mais des chiens de combat… Car ils partagent ensemble une passion un peu spéciale : les combats de chiens. Du point de vue de Jay, l’histoire se focus sur la douleur. La douleur et la violence de ses chiens qui se battent sans sentiments, la douleur de ses maitres qui malgré la douleur qu’ils infligent aux chiens souffrent avec eux. L’absurdité de la situation naissant au moment même où le sentiment d’amour apparaît. Un chapitre qui file la gerbe pour des combats qui sont perdus d’avance…
« La fusée » nous raconte la vie de Ben, éleveur d’orque dans un parc aquatique qui suite à un accident lors d’un spectacle se retrouve unijambiste. La description de l’accident, des plaies, de l’amputation sont quasiment insoutenables. Les sentiments décrits sont désabusés, froids et forts. Ben est comme éteint et ne semble vivre que par automatisme. Assumant peu ou pas sa nouvelle condition physique il doit, sur conseil médical, rencontrer un groupe de personne handicapé comme lui. L’occasion alors d’évoquer avec eux le karma et les raisons du pourquoi moi.
« Insomnies » nous parle de Graham qui est repreneur de bien la nuit et qui s’occupe de sa femme souffrant de bradykinesie qui l’handicape lourdement avec des tremblements, un sens de l’équilibre désormais inexistant et une difficulté d’élocution. Toujours amoureux il l’aide au quotidien, voyant en elle ce qu’elle a toujours été. Entouré de violence dans son travail, les plaies, les balles ne se comptent plus, mais stoïque il fait ce qu’il doit faire. Pourtant un soir, lorsqu’il doit reprendre un mobil home aux traites impayées il rencontre Jay Paris. Ancien publicitaire divorcé et alcoolique qui pense que son avenir se trouve dans la réalisation d’un film animalier « Les contes de la rivière ». Touché par la déchéance de cet homme qui a tout perdu et nous même ému de retrouver l’homme de « Un usage cruel », cette rencontre aura aussi une conséquence inattendue dans sa propre vie.
« Frictions » nous présente Sam. Sam est accro au sexe et complètement sous l’emprise de son addiction. Ses seuls moments de « calme » sont les moments qu’il partage avec sa fille Ellie. Acteur de film porno pour assouvir son addiction et gagner sa vie, il fait alors la rencontre de Béatrice…
« De chair et d’os » nous révèle Roberto, ancien boxeur devenu coach a Bangkok. Roberto a fui il y a des années une situation qu’il n’assumait pas. Bien des années plus tard, devenu sobre et coach, il reçoit un appel de son ex coach qui lui demande d’accueillir une tête brûlée de 30 ans : Tony. Tony est dur et ne pense qu’au combat. Lors de ses entrainements il repère Bua, jeune boxeur thaïlandais qui lui se bat pour survivre et non pas se prouver qu’il est vivant…
« Précis d’initiation à la magie moderne » est la dernière histoire de ce recueil et nous présente Herbert et Jess, frère et sœur abandonnés dans leurs enfances par leur père magicien et élevés par leur oncle. On les retrouve 25 ans plus tard lorsqu'un jour Herbert junior découvre dans le journal une photo de son père…
« Le goût de rouille et d’os » est donc un recueil dur à lire par les thématiques abordées. Un constat froid sur les relations humaines mais délicatement touché par l’espoir d’un avenir meilleur. Parfois agrémenté de liens entre eux ou de personnages qui se retrouve d’une histoire à l’autre, Craig Davidson maitrise parfaitement l’art de la description et des relations humaines. Bien que frustrant de ne pas en savoir un peu plus sur ses personnages, chaque histoire partage avec nous l’instant crucial, le moment qui fait basculer leurs vies dans un sens comme dans l’autre. Un moment fort empreint de force et d’espoir malgré tout….Un moment qui fait le point sur le sentiment de « rouille » d’un sentiment usé ou d’un passé qui pourri et d’ « os » symbole de vie et la réalité. Un recueil qui fait le point sur des personnages malmenés par la vie et leurs destins.
7/10
Un livre qui revient sur 8 destins, 8 destins qui un jour font le point sur le moment qui va donner une autre direction à leurs vies. Passionnant et dur à la fois, Craig Davidson nous livre des moments parfois difficiles à lire. Emouvant et repoussant à la fois. Qui laisse comme un goût amère en nous mais qui laisse aussi une lueur d'espoir. Aucune référence à Michel Berger, quoique... en y pensant bien elle correspondrait assez bien cette chanson...
Morceaux choisis / Citations :
« En y repensant, je ne crois pas que c’était le cas. Une fois que vous avez atteint une certaine expérience, vous vous battez plus sans raison. »
« Les lèvres s’écrasent contre les dents, la bouche s’emplit d’un goût de rouille et d’os. »
« Il y a des créatures sur cette terre que ces fragilités humaines comme la douleur, la faiblesse ou le doute ne touchent absolument pas. »
« Ni peur, ni indécision dans mes yeux, ce dont je suis content. Il n’y a plus rien à y faire, maintenant. Il n’y a plus qu’à accepter, et à espérer que, dans ces brefs instants séparant ce qui est de ce qui peut être, il pourrait y avoir une certaine compréhension ».
« Il se passe toujours quelque chose pour équilibrer autre chose, chaque minute de chaque jour, un bilan silencieux, chaque action portant en elle son propre poids discret, son propre pouvoir de transformation. »
« Personne ne retient vraiment personne dit Paris. On ne retient quelqu’un que suivant nos possibilités et on n’est retenu que parce qu’on le veut bien. Au début, vous savez, c’est là qu’est le plaisir : dans l’incertitude, pas vrai ? Dans la peur, en fait. »
« Le gosse est rude, mais Bua, lui, il a une vie rude. Le gosse se bat pour se rappeler qu’il respire encore. Bua pense à durer, à survivre. »
« Jess regarda le doigts de son frère. Longs et effilés, les ongles rongés au sang. Elle avait vu ces doigts là faire des choses que nuls autres doigts sur terre n’auraient pu faire, faire apparaître et disparaître des cartes, des pièces et de minuscules hirondelles égyptiennes avec la rapidité fugitive d’une animation image par image. Mais sortis de leur élément et occupés à des tâches ordinaires, ces mêmes doigts étaient ineptes et maladroits. »
« Le passé n’est que le début d’un début, et tout ce qui est et qui a été n’est que le crépuscule de l’aube »
Un livre adapté au cinéma par Jacques Audiard « De Rouille et d’Os » qui a réuni et remodelé les histoire de "Un goût de rouille et d'os" et de "La fusée". Une relecture, une nouvelle histoire mais qui nous laisse la même empreinte…
Ici mon avis sur l'adaptation de Jacques Audiard avec Marion Cottilard et Matthias Schoenerts
Commentaires intéressants. Dommage de ne pas se relire et laisser autant de fautes d'orthographe !
RépondreSupprimercela a du beaucoup vous chagriner pour prendre le temps de me mettre ce message, je vais de ce pas me relire immédiatement.
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