« Un pur hasard » de Frédérique Deghelt
Editions du moteur
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[Fondées en janvier 2010, les Éditions du moteur sont nées du désir de créer un pont entre la littérature et le cinéma, en proposant à des auteurs de talent d’écrire des histoires courtes potentiellement adaptables.]
En quelques mots : San Francisco, un matin par hasard, Benoit croise Yann. Yann c’était son meilleur ami au lycée. 20 ans se sont écoulés. Benoit est marié, a 2 enfants, mais est en plein désamour. Yann lui, est célibataire mais vient de trouver l’amour.
- En deux mots : désamour & amour
- En une question : Et si perdre l’un permettait de retrouver l’autre ?
J’ai découvert « Un pur hasard » parce que j’ai adoré « La vie d’une autre » de Frédérique Deghelt, adapté par Sylvie Testud, (mon avis ici sur le livre et le film). Je ne pouvais donc pas passer à côté de ce nouveau livre. Une courte nouvelle parue en début d’année.
54 pages qui passent bien trop vite ! Petit format, mais grand moment !
A mots délicats et drôles Frédérique Deghelt nous fait partager les retrouvailles de ses deux amis perdus de vue.
2 potes qui se retrouvent et rattrapent leur passé, le temps d’un café. Benoit était le tombeur du lycée, musicien au charme ravageur, Yann était le matheux de la classe et plutôt asocial, mais à l’époque ils étaient inséparables. Aujourd’hui, Benoit est un musicien de Jazz de renommée internationale, marié depuis 20 ans avec 2 enfants, mais depuis quelques temps, le couple se déchire et la rupture est imminente. Yann lui commence une nouvelle vie à San Francisco après avoir baroudé dans le monde après un événement douloureux. Aujourd’hui il est plus heureux que jamais, il vient de rencontrer le GRAND amour. L’un finit, l’autre commence.
Un régal à lire, frais, piquant et drôle avec des mots choisis avec soin et un rythme toujours aussi efficace. Et une intrigue qui rebondit deux ou trois fois de manières imprévues. Même si l’on peut sentir le dénouement pratiquement dès le début, le chemin pour y arriver est retardé habillement. On croit que, et puis non, et puis si, et puis non… C’est souvent avec le sourire aux lèvres que les pages se tournent et que les mots défilent. Mais je n’en dis pas trop, je vous laisse être agréablement surpris. Tout comme j’ai pu l’être.
De plus, cette fois, après la vison de Marie dans « La vie d’une autre », l’auteure fait le choix audacieux pour une femme d’offrir aux lecteurs le point de vue de l’homme. Nous sommes dans la tête de Benoit. Tout comme lorsque les hommes donnent la parole et les mots à un personnage féminin, je trouve cela osé et peut-être finalement assez juste. Toujours plus facile de juger et cerner les autres que soit même non ?
C’est d’ailleurs aussi la thématique de cette nouvelle… Benoit qui perd l’amour de sa femme, parce qu’il ne l’a « voit » plus…obnubilé par lui, sa musique et sa vie. Son égoïsme. Une vérité qu’il va se pendre en pleine face lors d’une scène où les mots percutent comme des claques ce personnage qui en reste sans voix…
La vraie réussite de cette nouvelle, à mon sens, est la dynamique dans laquelle elle nous plonge et nous attrape très vite. Nous sommes directement immergé dans la rencontre de ses deux amis, pour ne plus les lâcher durant les quelques jours qui suivent.
Un livre court mais excellent, comme un rendez-vous réussi, une belle soirée, un bon moment. Auquel on repense volontiers. Comme si l’on avait eu des nouvelles d’amis qui nous sont chers. Étonnant comme l’auteur arrive très rapidement à créer un lien entre les personnages et nous. Ponctué par des moments clés comme cette musique qui passe à la radio, comme un signe, que peut parfois nous balancer la vie. Un regard, un sourire, un éclat de rire. Se comprendre sans se parler. Ces petits moments qui nous rappellent une complicité qui n’est plus quotidienne, mais bien présente tout de même. Lors d’une rupture, on oublie souvent qu’un jour on s’est aimé très fort…
Un va et viens, une valse entre les personnages, on croit que…, et puis non. Des personnages qui se croisent comme une valse, mais qui font demi-tour au dernier moment. Qui se tourne le dos sans se voir. Mais la musique s’arrête et l’on voit, ils voient…. Des mots qui défilent comme une chanson harmonieuse et qui rebondit par des actes et ce que se passent entre eux. Tel la musique de Benoit, le jazz, un tempo bien précis et dynamique qui passe du lent au plus rapide. Frédérique Deghelt fait ici swinguer les mots et nous offre un épilogue IDEAL où le sourire se dessine un peu plus de ligne en ligne…
9/10
En bref : Un petit plaisir de lecture, un rythme vif et dynamique. On assiste en quelques pages au hasard de la vie et à la remise en question d’un homme et d’un amour, d’un homme et d’une amitié.
Morceaux choisis / Citations :
«Il y a dans les probabilités un facteur qui échappe aux mathématiques, la pertinence du hasard dans les retrouvailles…»
«ce qu’il est devenu m’intrigue et promet de me distraire de mes monologues de vieux con en rupture.»
«Car c’est ainsi que nous allons, barques luttant contre un courant qui nous ramène sans cesse vers le passé» FS Fitzgerald – Gasby le Magnifique
«Les enfants ont le chic pour poser de mauvaises questions au bon moment.»
«-cette femme est un rêve !
- o.k. moi, je vais te laisser là pour rejoindre la réalité !»
«Il est barré dans ses souvenirs qui, je le sens, vont percuter les miens.»
Un extrait d’"Un Pur Hasard" de Frédérique Deghelt a été joué par le comédien Hervé Guinouard et dirigé par Bruno Putzulu
J'ai lu le livre avec le comédien en tête et si adaptation un jour il y a j'espère que ce sera lui, il fait un Benoît vraiment convaincant. :)
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