"De Rouille et d'Os" de Jacques Audiard
Distribué par : UGC Distribution
En quelques mots : Ali se retrouve avec son fils Sam, 5 ans. Ils se connaissent à peine... Sans argent, sans ressource pour tenter de lui donner un toit, Ali décide de rejoindre sa soeur dans le sud de la France. Stephanie est elle dresseuse d’orque. Elle est belle, elle aime la vie et croisera un soir la route d’Ali qui fait le videur pour payer sa part du loyer. Il lui vient en aide, mais elle l’ignore… Un jour pourtant elle l’appelle… Sa vie a changé, suite à un accident, Stephanie n’a plus de jambe… Ali saura l'aider sans compassion, sans faux semblant et la ramener à la vie. Et elle saura percer sa carapace et le rendre opé...
- En deux mots : coups & vie
- En une question : Existe-il une raison pour toute chose ? A tout malheur est bon ?
ATTENTION SPOILERS !!
Sortie la semaine dernière au cinéma et sélectionné au Festival de Cannes, "De rouille et d'os" est adapté du livre de Craig Davidson, « Le goût de rouille et d’os ». Sans être une adaptation littérale, Jacques Audiard en fait une merveilleuse relecture. Il délivre ici une version épurée et poétique de ce roman qui peut parfois mener à la nausée par son côté si brutal, cru et violent.
Entre générique angoissant, flou maitrisé et gros plan naturel, Jacques Audiard, nous montre comment deux personnages marqués par la vie, s'ouvrent l’un à l’autre avec juste un peu d’attention et de respect sur ce qu’ils sont profondément. Avec beaucoup de délicatesse il nous montre toute la cruauté et la violence que peut nous donner la vie. Une histoire dure mais qui ne tombe jamais dans le mélo ou la larme facile...
Ali est brutal, sans concession, sans gêne, sans tabou, mais franc, sincère et prêt à aider les autres. Stéphanie est belle, sûr d'elle, rayonnante pleine de vie et de passion. Elle est dresseuse d'orque et elle adore ça... Ils vont se croiser un soir, dans une boite de nuit. Il va l'aider, lors d'une bagarre mais elle va finalement l'ignorer. Et puis un jour suite à un terrible accident, elle se retrouve cloué à un fauteuil roulant, privée de jambes, éteinte. Elle va se rappeler de lui et l'appeler... Ils n'auront alors de cesse de se bousculer l'un et l'autre et de se ranimer...
La respiration est un point primordial de ce film, comme le souffle de la vie, tantôt lent, en sommeil, tantôt saccadé et fort, sensuel et intense, ou court et rapide alors qu’ils ont peur ou qu’ils sont dans l’action… Toujours un souffle, une respiration présente à l'écran sans être omniprésent il vient marquer les esprits et les instants clés de ce film vraiment pas comme les autres.
Jacques Audiard réussi à insuffler de la poésie dans des plans empreint de violence. La lumière, la musique, la lenteur et le ralenti des choses… Le vent et le soleil amenant leur présence salutaire… Tout simplement sublime…
Ne chercher pas les passages du livre, ils n’y sont pas, juste l’essence, juste l’adn, la chair et le sang du livre. Deux nouvelles, "Un goût de rouille et d'os" et "La fusée" sont mélangées et agrémentées de la patte du réalisateur et du génial scénariste Thomas Bidegain. Ben du livre devient Stéphanie, il ne perd pas une jambe, mais deux, Eddie devient Ali, Sam n’est plus son frère mais son fils… Et Jacques Audiard décide de croiser leurs vies. Des idées judicieuses. Ils vont ainsi tout deux, ensemble, renaitre aux autres… Eprouver leurs sentiments ensemble…
Tout comme le livre, il laisse un goût de sang en bouche, une empreint en nous, le goût de la souffance. Comment rester insensible à ce qui défile devant nos yeux ? Comment imaginer ce qu’ils traversent ? Comment ne pas être toucher par la volonté d’Ali de normaliser Stephanie malgré son handicap? comment ne pas aimer Stephanie qui se relève grâce à Ali et sa franchise et sa délicatesse ? Son côté nature, sans gène et sans tabou tire forcément le sourire. « Je suis opé » peut devenir une réplique culte ^^.
Il l’a ramène à la vie, à la normalité et elle l’adoucit et le touche.
Enfin comment ne pas être touché par la relation père fils d'ali et Sam, maladroite et qui se dégrade, jusqu'à Sam qui n'appellera plus son père papa… Puis à nouveau se retrouver…
Les interprètes sont merveilleux de naturel… Marion Cotillard est démentielle et absolument épatante dans son jeu si fragile. Elle est merveilleuse en Stéphanie. Quel jeu… Si déstabilisée et si belle dans son naturel… Sublimée par la caméra de Jacques Audiard, sans aucun artifice. Bouleversante et gros coup de cœur pour moi dans la scène de retrouvaille avec l’orque, terriblement émouvante dans ce silence, ce dialogue et cette musique qui monte en douceur… Ou encore sur sa terrasse à danser sur du Katy Perry… Epatante… Profondément désarmante lorsqu’elle découvre qu’elle n’a plus de jambe ou lorsqu’elle découvre ses propres sentiments…
Matthias Schoenaerts n'est pas en reste avec un jeu brutal et sincère. Une découverte pour ma part (je n'ai pas encore vu (Bullehead), mais il est si vrai, si dur et ancré au sol. Un Ali solide comme un roc qui se fendille quand vient le sentiment. Bouleversant... Un jeu d'acteur comme on en voit pas souvent. Le petit Armand Verdure (Sam) petite graine d'acteur est idéal dans ce fils au regard si grand... Un contrast désarmant face à ce père si fort et si grand... Les seconds rôles sont tout autant admirable et choisi avec soin.
Un film donc sur le handicap, sur le handicap physique et émotionnel, qui oppose et lie ensemble, le handicap, la normalité et la réalité. Marqué par un jeu de respiration je l’ai déjà dit, ils semblent respirer mieux ensemble.
A noter également les scènes de combat qui sont hyper réalistes. Ali participe à des combats amateurs (type fight club) pour arrondir ses fins de mois. La douleur et les coups, visible pour Ali, qui vient les chercher et Stephanie qui elle les subit, viendra titiller Stéphanie et la pousser à combattre le regard des autres... Il est son moteur mais elle aussi. Là où au départ un accord tacite les lient, le partage d’un quotidien et de moments intimes viennent finalement les unir encore plus. Stephanie acceptant de l’embrasser sur la bouche uniquement après avoir partager avec lui un moment très intime. Réalité toujours...
On assiste donc crescendo au retour à la vie et à l'amour de deux personnages, mais là où l'on pense que rien ne peut plus les séparer, tout bascule. Les petits trafics de caméra dans les magasins d'Ali avec son bookmaker conduit à faire virer sa sœur. Coupable et s’en voulant beaucoup, il fuit et par seul… Laissant derrière lui son fils et Stephanie. Il rejoint un club de boxe professionnel pour faire quelque chose de sa vie en faisant la seule chose pour laquelle il est doué : se battre. Fini les combats clandestins, à lui les vrais matchs.
Mais lors d’une visite de son fils un événement va le bouleverser et changer sa vie… Je n'en dis pas plus, mais on ne peut que souffrir avec lui et ses poings qui se brisent...Jacques Audiard, nous offre un happy end qui n’est pas celui du livre, merci. Merci pour cette scène bouleversante où l’appel de Stéphanie plein de pudeur et d’amour bascule sur un petit « ne raccroche pas, ne me laisse pas » et ce dernier mot « je t’aime… » Larmes et souffle au rendez-vous. ..
Coup de coeur également, et oui encore pour ce film qui se termine par le début du livre, Ali nous livrant un texte fort tiré des deux premières pages. Sur ces mots des images qui se termine sur un plan final idéal qui se fond sur un générique blanc… Rare et beau…
Reparti bredouille du Festival de Cannes, je suis certaine qu'il aura d'autres prix, d'autres faveurs, car c'est à nouveau un film qui ne peut laisser indifférent et les performances de Marion Cottilard et Matthias Schoenaerts ne peuvent qu'être saluées.
En bref : Bouleversant, émouvant, dur, mordant, drôle, tendre, poétique... Une belle leçon de vie et de cinéma. Sublimes Acteurs, superbe Audiard. <3<3<3<3
Morceaux choisis / Citations :
« Je suis opé »
« qu'on ai des manières. Je te parle de délicatesse. Tu sais très bien ce que c’est, tu n’as pas arrêté d’en avoir avec moi de la délicatesse»
« Me laisse pas »
P'tites infos + (source):
Jacques Audiard et Thomas Bidegain se sont dès le début du projet orientés vers ce qu'ils appellent une "forme cinématographique expressionniste", "où la force des images viendrait servir le mélodrame. Une esthétique tranchée, brutale et contrastée. Celle de la Grande Dépression, celle des films de foire, où l’extraordinaire étrangeté des propositions visuelles sublime la noirceur du réel. Celle d’un monde où « Dieu vomit les tièdes »", confie le cinéaste.
Un film adapté donc du roman de Craig Davidson « Le goût de rouille et d’os » que vous recommande vivement je viens de le finir et vous en reparle très vite !Up date : mon avis ici
Je n'ai pas tellement aimé ce film, sauf quelques scènes, notamment celle où elle retrouve l'envie de voir ses orques. Mais c'est là ma passion pour les animaux et la richesse des relations qu'on peut avoir avec eux qui parle!
RépondreSupprimerJ'ai trouvé le reste "too much" dans tous les sens du terme: la façon dont c'est filmé, les émotions, la violence.
Mais ta critique est très bonne!
Je comprends. Le film bouscule, mais c'est le but. On aime ou pas...
RépondreSupprimerMerci de tes mots ;)