mercredi 29 août 2012

[Cinéma] "Superstar" de Xavier Giannoli



« Superstar » de Xavier Giannoli
Chez Wild Bunch Distribution


En quelques mots : Martin Kazinski devient célèbre alors qu’il n’a rien rien fait pour…

  • En deux mots : immédiateté & influence
  • En une question : Comment l’absurde peut devenir vérité ?

SPOILER MINIMUM

Adaptation du livre « L’idole » de Serge Joncour (mon avis ici), « Superstar » de Xavier Giannoli est un film qui respecte tout l’adn du roman en mettant l’accent sur l’immédiateté de l’information mais surtout l’absurdité et la folie de la masse au détriment de l’être humain… « Superstar » est absurde, fascinant et profondément dans l’ère du temps. Une réussite.

Côté adaptation, ici uniquement l’adn du roman et de ce que Serge Joncour dénonce au fil des pages : l’impact des médias et de la célébrité. Georges Frangin est devenu Martin Kazinski, il n’est plus chômeur et a rajeuni de 3 ans pour n’avoir que 43 ans ici. Mais surtout Xavier Giannoli a fait le choix de ne mettre l’accent que sur le côté négatif de l’aventure de Georges/Martin qui vit mal sa célébrité soudaine du début à la fin. La rejetant alors que Georges, lui, au départ la vit plutôt bien, même si la note finale est finalement plus belle ici (oui j’ai spoilé mais dur de ne pas le faire sur un film comme celui-ci ...). Un peu perturbant au début je fais vite abstraction du roman pour apprécier le film.

« Superstar » ou quand absurde, fascination et questionnement se mêlent habilement. Il serait bien facile de descendre le film (j’entends presque d’ici la réplique facile), mais « Superstar » est vraiment là pour bousculer le spectateur, pour l’alerter dans ce que sont les médias aujourd’hui. Comment ne pas penser aux envies de Célébrité à tout prix ou aux téléréalités plus ou moins, hum…discutables… « Superstar » met le doigt sur ce que certaines émissions engendrent et ce que certains sont prêt à faire pour un peu de célébrité. Martin est justement toute cette antithèse. Car même sous la pression d'un production TV et un patron de chaîne peu scrupuleux. Coup de coeur d'ailleurs pour un moment savoureux d'incompréhension réciproque. Martin ne veut absolument pas être célèbre, il est merveilleusement banal et souhaite le rester.  Xavier Giannoli nous offre une jolie pirouette en rendant cette expression insultante. Et pourtant tout est là. « Superstar » nous tire d’une banalité, nous demande de ne pas tout prendre/accepter des médias comme une « banalité ». Très touchant également le travail de Martin dans une usine de recyclage informatique avec des handicapés mentaux. Qui est son point de repère… Le non banal est son quotidien, sa normalité. Car Martin est droit, fidèle, sincère… Comme son pull… (clin d’œil à Christophe Willem et son fameux pull lors des castings, je ne crois pas, mais cela m’a fait sourire). J'ai d'ailleurs beaucoup aimé les retournements de situations, que peut vivre Martin, très différents du livre.

Satirique et drôle à la limite de se tirer une balle dans le pied dans la promotion de son film avec une vision des médias à l’affut du scoop quitte à le fabriquer de toute pièce. Xavier Giannoli ne fait pas de concession, jusqu’à créer un petit malaise auprès de téléspectateur qui serait prêt à tout croire et interpeller également ceux qui sortent le Smartphone dès qu’un people est dans les parages. L’air des smartphones est vraiment là. On dégaine les photos les plus absurdes vitesse grand V. Mais « Superstar », tout comme le livre, nous rappelle qu’avant d’être une personnalité ce sont aussi un être humain. (Rigolo de croiser justement le réalisateur discuter à la terrasse d’un café, avec également un peu plus loin sur cette même terrasse Sophie Davant un peu plus loin…). Je ne pratique pas personnellement le culte de la photo et de l’autographe à tout prix, mais j’ai pu le vivre à de nombreuses reprises. Les scènes du film sont à peine exagérées. Un film du coup qui nous rappelle aussi l’effet de masse : « Il faut en parler pour qu’on en parle », « il faut y aller parce qu’il y a du monde ». Mais jamais revendicatif, « Superstar » reste pertinent et drôle, il nous rappelle aussi qu’amour et haine n’est jamais bien loin et que l’inverse est vrai aussi...

Ainsi, impossible, à la vision du film de ne pas s’interroger aussi sur l’idolâtrie et le lynchage. On aime facilement autant que l’on déteste. On se questionne sur les buzz, l’effet de mode, l’effet de foule, les rumeurs, le zapping. Une réplique géniale de Martin à Fleur qui je n’ai pas eu le temps de noter résume bien tout cela, quelque chose comme « tu m’as déjà zappé ». Comme l’a dit Xavier Giannoli « Superstar » s’inquiète il ne dénonce pas. Il alerte. Subtil certes. Mais c’est à l’image même du film. Le film est parsemé de clin d’œil, je pense que quelques uns m’ont échappées mais j’ai vraiment apprécié ceux que j’ai pu noter. Comme le plan final… Un film à multiples lectures...

Les deux héros sont remarquables. Kad Merad / Martin est brillant dans le rôle de Monsieur Tout le Monde dépassé par les événements et qui fait face comme il le peut. Cécile de France / Fleur est parfait en journaliste qui retrouve son âme… Les seconds rôles sont aussi très bons et incarnent parfairement leurs personnages : le producteur  Jean-Baptiste, Louis-Do de Lencquesaing, Alberto, Alberto Sorbelli, le présentateur TV Alban, Cédric Ben Abdallah … Des ingrédients qui permettent au film de prendre l’impulsion idéale. Si bien joué que j’ai par moment eu l’impression de voir un documentaire plus qu’un film.

En sortant du film, je me suis demandée pourquoi le réalisateur n’avait pas opter pour le rôle de Martin pour un acteur inconnu et puis finalement je me suis souvenue du succès spontané, immédiat et un peu fou qu’a pu vivre Kad Merad juste après « Les choristes » et la vague du « trop de Kad » au ciné qui a pu suivre. Et finalement, il est bien malin d’avoir pensé à lui. Je ne sais pas si c’est la démarche de Xavier Giannoli, mais l’idée m’a bien plu ^^ . En tout cas comme il nous l’a dit c’est un ami de 20 ans et sincèrement il est parfait dans le rôle. Et de l’aveu du réalisateur il a pu expérimenter, lors de la tournée même du film, l’influence de la célébrité sur le quotidien et l’immédiateté de l’information grâce à Twitter… (un Bretzel acheté à Strasbourg sur les réseaux sociaux en quelques minutes…). Flippant… Tout comme le film… Parce que c’est finalement l’inquiétude qui prime. L’inquiétude de l’impact de l’information et de son relai extrêmement rapide. Sans réflexion ni analyse. On prend l’information comme elle vient sans trop se poser de question.

J’espère qu’après avoir vu le film, un petit sursaut se produise… Que quelques spectateurs sauront prendre un peu de distance pour apprécier la profondeur du message. Que le talent et le mérite refasse leur apparition. Croyant en la théorie du cycle je suis confiante et ce type de film me rassure et renforce ma confiance. Et que le cinéma fera un peu plus son retour à la télévision grand public. Comme a pu le faire Arte cet été…

Merci encore à Wild Bunch pour l’invitation à venir découvrir le film lundi, suivi d’une rencontre avec Xavier Giannoli.

Un moment passionnant avec un homme qui l’est tout autant ! Des références et citations toutes plus intéressantes les unes que les autres. « Forrest Gump » côtoie « Network », « Videodrom », « Truman Show », « La valse des pantins », René Girard ou « l’homme aux trousses » ou Victor Hugo : « Souvent la foule trahi le peuple » ou Coluche « Il est arrivé premier par un concours de circonstance ». Toujours très prudent dans ses propos il annonce sa peur de la restitution du réelle. On devine donc que le processus de « Superstar » n’est pas anodin, c’est un sujet qui le touche et lui parle tous les jours. Ancien journaliste, curieux, littéraire et cinéphile, le monde et la vie est une interrogation permanente, Superstar en est témoin. Mais comme le cite Xavier Giannoli : « L’humanité commence à la nuance. ».

Définitivement ici lire le livre d’abord pour apprécier cette adaptation qui met en images habillement un sujet fascinant qui démontre le côté sombre des médias et de la célébrité. Un film donc bien plus profond qu’il n’y parait de prime abord…

Ps : Et puis je note que son livre préféré est « Les illusions perdues » de Balzac, qu’il rêve d’adapté et j’ai envie de dire : oui !


En bref : adn du roman, fascinant, rythmé et flippant. Xavier Giannoli réussit a réveiller les esprits sur l'immédiateté et l'absurde sans tomber dans le ridicule. Certains vont détester d'autres beaucoup l'aimer...


Morceaux choisis / Citations :
« C’est pas parce que ce n’est pas arrivé que cela n’arrivera pas »
« Un malentendu c’est plus que tout les histoires que j’ai déjà eu »

P'tites infos + (source): 

Folles inspirations
Bien qu'adaptant une histoire déjà existante, Xavier Giannoli ne voulait pas s'en tenir au seul texte d'origine, et a décidé de développer une intrigue différente, avec de nouveaux personnages et de nouvelles situations. Ses inspirations les plus franches pour traiter de la folie d'un système furent le travail de cinéastes comme Alfred Hitchcock, ou d'écrivains comme Franz Kafka, notamment pour son roman "La Métamorphose."

Icône ?

Le dernier film de Xavier Giannoli se pose comme une véritable réflexion sur la question des icônes dans une société. Comme il l'avait fait pour l'un de ses précédents courts métrages, L'Interview, en 1998, le réalisateur a relu l'ouvrage d'Edgar Morin intitulé "Les Stars". Cet essai a conditionné la réflexion du réalisateur sur les thèmes qu'il traite dans Superstar : "Une civilisation en dit beaucoup sur elle-même en désignant ses icônes. (...) Toutes les sociétés humaines ont vécu ce genre de mouvements. C’est une question médiatique et contemporaine, mais aussi anthropologique et primitive. J’ai toujours beaucoup lu sur ces sujets qui me passionnent et qui tous les jours nous crèvent les yeux."

Histoire d'un titre
Le titre du film, Superstar, a été choisi par Xavier Giannoli en référence au titre d'une chanson du groupe "The Carpenters", qui fut reprise plus tard par Sonic Youth. Cette chanson, ironiquement, parle de l'amour passionnel d'un admirateur pour une vraie star, en opposition au personnage de Kad Merad dans le film. Pour le reste de la bande originale, le réalisateur a demandé au compositeur Mathieu Blanc-Francard de tendre vers de la musique de thriller, avec une certaine tension dramatique constante. On peut également entendre le morceau "Apocalypse" de Wycleef Jean, et des compositions de David Holmes (Piégée, Ocean's Eleven).
 
 
"Superstar" est adapté du roman "L'idole" de Serge Joncour
Editions : Flammarion

2 commentaires:

  1. J'ai trouvé ce film raté. Je sentais bien dès le départ qu'on n'aurait aucune explication mais au final le rendu est trop frustrant et une impression de facilité se dégage de l'ensemble.
    Kad Merad joue très bien, c'est le seul point positif que j'ai trouvé à ce film, qui n'évite d'ailleurs pas les moments ridicules (le cri).
    Les thèmes abordés sont certes très contemporains mai son ne fait que les effleurer ici sans jamais creuser le propos ou lui donner une substance quelconque.
    C'est dommage.
    Je n'ai pas lu le roman, mais j'estime qu'une adaptation devrait se suffire à elle -même, le film devrait devrait donc apporter plus de réponse à lui seul.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Je comprends le sentiment de frustration, peut-être ne l'ai je pas parce que j'ai lu le livre?... je ne sais pas. En tout cas, l'explication du pourquoi est exprimé dans le livre. Ici Xavier Giannoli ne le fait pas ou presque pas. Mais est ce que dans les buzz actuels on connait les raisons du pourquoi? ou ce que les protagonistes des buzz deviennent. L'ère du zapping et de l'éphémère... Un film qui pousse a la question, sans donner toutes les réponses ou avoir la prétention de les avoir. Un film constat...
      Le film apporte plus de question, plus de débat que le livre en lui même. Le livre mettant plus en avant la célébrité en tant que tel. Je te conseille vraiment le roman très fluide et bien écrit. Dans la tête de Georges/Martin...

      Supprimer